Derrière les quatre lettres de PPAM, pour Plantes à Parfum, Aromatiques et Médicinales, se cachent des pratiques et productions variées. De la vente en frais, à la fabrication de tisanes ou d’huiles essentielles, les réalités du métier sont très différentes. Ce qui les rassemble ? La nécessité de connaître parfaitement les plantes, leur culture et procédé de transformation, une attention portée aux réglementations… mais aussi une appétence commerciale pour valoriser les produits à haute valeur ajoutée. Si la filière représente moins d’1% de la surface cultivée en France, elle connaît un regain d’intérêt et une croissance de 18 % de sa surface en cinq ans. Vous aussi vous souhaitez vous lancer dans la production de plantes à parfum, aromatiques et médicinales ? Vous envisagez un atelier d’herboristerie en diversification sur votre ferme ? Voilà quelques clés pour comprendre les PPAM, au pied de la lettre.
1. Tour d’horizon de la filière PPAM en France
D’après le rapport 2019 sur la filière PPAM en France par France AgriMer, la filière compte trois grands secteurs de production (dans l’ordre d’importance) :
- Les plantes à parfum, qui représentent 55,8 % des surfaces cultivées en PPAM, dont les trois championnes sont la lavande, le lavandin et la sauge sclarée ;
- Les plantes médicinales, 33,6 % des surfaces cultivées, avec en tête de liste le pavot œillette, la camomille, le chardon marie ou la mélisse ;
- Les plantes aromatiques, enfin, avec 10,6 % des surfaces cultivées, dont notamment le persil, la coriandre, le thym, le fenouil ou la menthe.
Les transformations des PPAM sont très diverses et alimentent plusieurs secteurs d'activité :
- Pour les plantes à parfum : huiles essentielles et extraits pour la parfumerie, la cosmétique, l’aromathérapie ;
- Pour les plantes aromatiques : huiles essentielles et extraits, séchage, triage, surgelé pour l'agro-alimentaire, l'herboristerie, l'aromathérapie, les compléments alimentaires... ;
- Pour les plantes médicinales : huiles essentielles et extraits, séchage, triage pour la phytothérapie, l'homéopathie, l'aromathérapie, l'herboristerie, les compléments alimentaires...
Quelques infos à noter également, issues du rapport de France AgriMer :
- Dans la majorité des cas, les PPAM sont des cultures de diversification : 77,7 % des exploitations qui en cultivent y consacrent moins de 20 % de leur surface cultivée ;
- La part de l’agriculture biologique dans la filière est très importante, avec 16,9 % des exploitations conduites en bio en 2019.
2. Producteur de PPAM, tout un programme
2.1 - Savoir cultiver
Le producteur de PPAM est avant tout un cultivateur de plantes. Comme un maraîcher, il doit maîtriser un cycle de production végétale, de la préparation du sol, au choix des espèces adaptées à son terrain, la gestion de l’irrigation, des rotations de cultures, etc. Avec une attention toute particulière à consacrer à la gestion de l’enherbement.
En effet, un désherbage minutieux avant récolte est essentiel pour s’assurer que des plantes indésirables ne se mélangent pas aux productions finales.
C’est quoi les « 148 plantes libérées » ?
La réglementation autour de la commercialisation des plantes médicinales est très encadrée, pour ne pas entrer en concurrence avec l’industrie pharmaceutique. Aujourd’hui, 148 plantes sèches destinées à la vente en tisane sont dites « libérées » du monopole pharmaceutique. On peut donc les commercialiser à deux conditions :
- la partie de plante vendue doit correspondre à celle inscrite sur la liste (racine, feuille, fleur, écorce...) ;
- aucune vertu médicinale ne peut être revendiquée par le vendeur. On pourra donner des indications sur les effets physiologiques de la plante (exemple : « aide au bon fonctionnement du système digestif » mais pas « soulage les brûlures d’estomac »). Les contraintes favorisent la créativité paraît-il !
> Retrouvez la fiche (très !) pratique de la Fédération Régionale d’Agriculture Biologique de Nouvelle-Aquitaine regroupant les différentes réglementations en vigueur en fonction des plantes et de leur usage.
2.2 - Savoir transformer – focus sur le séchage
Le travail du producteur de PPAM ne s’arrête pas à la récolte… au contraire ! La phase de transformation est bien souvent le cœur de métier en PPAM, avec notamment la maîtrise du séchage des plantes.
Le séchage consiste à extraire l’eau présente dans la plante, afin de :
- diminuer son poids et son volume ;
- conserver la plante et ses composantes d’intérêt (parfum, aromatique ou médicinal).
Le but ? Faire diminuer le taux d’humidité dans les plantes d’environ 80 % à 12 %, pour empêcher l’oxydation et la vie microbienne de se développer.
Grâce au séchoir, on pilote alors les paramètres eau (présente dans l’air et dans la plante), température (plus l’air est chaud, plus il peut se charger en eau) et temps (les molécules d’eau ont besoin de temps pour remonter à la surface et s’évaporer) pour sécher les plantes.
Votre séchoir doit donc reposer sur deux principes :
- un système de chauffage de l’air ambiant ;
- un déshumidificateur qui condense et évacue l’eau.
Prévoyez également un thermo-hygromètre pour gérer de manière optimale ces deux paramètres.
👉 Consultez l’étude comparative de systèmes de séchage par déshumidification produite en Franche-Comté
À noter également que la phase de transformation comprend aussi évidemment :
- avant le séchage : l’effeuillage ou la découpe en frais
- après le séchage : l’effeuillage en sec, le battage ou émondage et le tri (tamisage manuel ou mécanisé, tri par ventilation ou densité…)
Veillez aussi à la qualité du tri et du tamisage, pour éviter les mauvaises surprises de brisures ou plantes intempestives dans vos produits finis.
2.3 - Savoir commercialiser
Vos plantes sont cueillies, séchées, rangées… Le temps est venu… de vous en séparer ! Composez vos recettes de tisanes en fonction de vos plantes, de vos envies et goûts… et vérifiez régulièrement qu’elles plaisent à vos client.e.s.
Alerte qualité, veillez là encore à assurer :
- Un stockage hermétique ou déshumidifié de vos plantes sèches, pour éviter une reprise d’humidité ;
- Une protection contre la lumière du soleil qui altère la qualité des plantes, en privilégiant des contenants opaques notamment.
Et la cueillette de plantes sauvages ?
La cueillette sauvage ou « glane» concerne une grande diversité de PPAM que l’on trouve à l’état sauvage (frêne, ortie, sureau, tilleul, ail des ours, etc.).
Cette pratique est encadrée : vous devez par exemple tenir un cahier de cueillette indiquant la date, le lieu de cueillette, le poids frais et sec de vos plantes, le temps de cueillette, etc.).
Attention, certaines plantes sont protégées au niveau national, régional ou à l’échelle d’un parc…
> Vérifiez les listes répertoriées par l’Association Française des Professionnels de la cueillette de plantes sauvages ou les textes officiels ;
> Pour vous aider à les reconnaître, n’hésitez pas à avoir sous le coude Le chemin des herbes, de Thierry THÉVENIN et illustré par Jacky JOUSSON, aux éditions Ulmer
3. Le rythme sur une saison
Produire des PPAM, c’est concilier :
- des temps de récolte (et de séchage) dictés par les saisons : du printemps à l’automne en fonction de chaque plante et de ce qu’on lui prélève : feuille, fleur ou racine ;
- et un temps de transformation (émondage, mise en sachet, etc.) que l’on peut organiser en basse saison.
4. Les formations existantes
Certains BPREA (Brevet Professionnel de Responsable d’Entreprise Agricole) sont spécialisés dans la culture des PPAM, comme celui de Nyons dans la Drôme ou celui de Montmorot dans le Jura. Ces formations sont diplômantes et vous permettent d’obtenir la capacité agricole.
Il existe par ailleurs de nombreuses formations d’initiation ou de perfectionnement technique du métier de producteur de PPAM, n’hésitez pas à vous renseigner auprès du Syndicat Simples (syndicat professionnel de productrices et de producteurs de plantes aromatiques et médicinales) ou des groupements de producteurs de votre région.
La parole à Aline Aurias, L’enracinée, productrice de plantes à tisanes et aromates en Essonne
> Quelles sont les qualités essentielles pour être producteur·ice de PPAM ?
L’adaptabilité ! Il faut être capable de se réorganiser sans cesse et de remettre en question ce que l’on fait. Par exemple, avec le Covid et les annulations des marchés de Noël, j’ai dû improviser un tout nouveau mode de commercialisation de click & collect, qui a heureusement bien fonctionné.
> Quels conseils donneriez-vous à un porteur de projet en PPAM ?
Aller sur le terrain, expérimenter une quinzaine de structures avec des modèles différents, pour voir ce qui nous parle ou nous parle moins. Cette phase de découvertes a été très riche en enseignements pour moi, notamment pour concevoir et auto-construire mon séchoir de la façon la plus ergonomique et adaptée possible. Et aujourd’hui, c’est grâce aux observations des visiteurs et stagiaires que j’accueille sur mon terrain que je continue d’optimiser ma façon de travailler.
> Quelques repères d’Aline pour dimensionner son atelier PPAM :
_Une personne à temps plein, avec une petite mécanisation peut cultiver 20 à 50 ares, une trentaine d’espèces et produire de 50 à 500 kilos plantes sèches/an
_ Prix de son séchoir à claies auto-construit : 1 000€ de bois, 300€ de déshumidificateur, 300€ de ventilateur et 150€ de petit matériel
> Que faut-il regarder en priorité quand on visite un terrain dans un projet de PPAM ?
Il n’y a pas de contre-indication à l’implantation de PPAM sur un terrain, les plantes s’adaptant à de nombreux milieux, que ce soit à flanc de coteau ou en plaine. Mais, si l’on doit dresser un terrain idéal, il y aurait une haie déjà implantée d’espèces sauvages (sureau, aubépine, frêne…), une mare et une source d’où l’on puisse tirer une irrigation.
> Avec quel atelier la production de PPAM est-elle compatible ?
La production de PPAM est complémentaire de nombreuses activités, agricoles ou autres – j’ai moi-même une double activité de journaliste scientifique. En revanche, ces choix conditionnent ensuite les plantes que l’on cultive, la façon de les produire, de les transformer, etc. Par exemple, le maraîchage est particulièrement compatible avec la production de PPAM, car le matériel est mutualisable. Mais allier les deux implique de nombreux choix techniques afin de gagner du temps en saison : pailler plutôt que désherber, effeuiller en sec, trier hors saison et donc prévoir un lieu de stockage plus grand, etc. C’est passionnant de mettre en place ces stratégies !