Quel régime fiscal choisir pour son projet agricole ? Quelles conséquences de son statut juridique sur l’imposition ? Impôt sur le revenu ou impôt sur les sociétés ? Qu’est-ce que le micro-BA ? Quels avantages sur le régime réel ? Nous avons voulu vous donner quelques clés pour mieux comprendre les enjeux fiscaux derrière son statut juridique.
1. Impôt sur le revenu ou impôt sur la société ?
Par principe dans une société civile on est à l’impôt sur le revenu (IR) alors que par principe dans une société commerciale on est à l’impôt sur la société (IS).
Alors que l’IS s’applique uniquement sur le bénéfice de la société, l’IR s’applique au revenu net global du foyer fiscal. Les tranches sont également différentes : pour l’IS le taux d’imposition est de 15% jusqu’à un seuil spécifique puis de 25% sur l’excédent, alors que pour l’IR les tranches vont de 0% à 45%.
D’autres éléments rentrent en compte dans un choix entre IS et IR, par exemple pour l’IS la rémunération du dirigeant ainsi que les dividendes sont à déduire du bénéfice imposable de la société mais sont soumis au barème progressif de l’IR.
Il existe plusieurs catégories de revenus dans le cadre de l’IR – qui correspondent aux différentes sources de revenus qui existent. En cas de diversification de l’activité, l’agriculteur à l’IR peut réaliser des revenus de natures fiscales différentes et relève donc des régimes applicables à chaque catégorie de revenu (bénéfices agricoles, bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices non commerciaux).
Revenu net par catégorie = revenu brut – charges déductibles
(i.e dépenses engagées pour réaliser le revenu)
La pertinence du choix de l’IS est liée :
- aux besoins financiers de ses associés : si rémunération importante du dirigeant, elle est déductible du bénéfice imposable ;
- à l’envie d’avoir une meilleure maîtrise du taux d’imposition.
2. Régime micro ou régime au réel ?
Les trois modes d’imposition des bénéfices agricoles
À savoir, il existe 3 modes d’imposition des bénéfices agricoles :
- le régime micro BA (qui remplace le régime du forfait) ;
- le régime du bénéfice réel simplifié ;
- le régime du bénéfice réel normal.
La différence entre régime micro ou réel réside dans la manière dont les charges déductibles sont calculées pour la détermination du résultat imposable :
- Dans le régime micro (micro BIC, micro BNC, micro BA), le résultat imposable est calculé automatiquement par l’application d’un abattement forfaitaire représentatif des frais ;
- Dans les régimes réels (BIC / BA) ou BNC, le résultat imposable est obtenu après avoir retranché les charges pour leur montant réel.
Le micro-BA expliqué
Le régime du micro-BA s’applique aux exploitations agricoles (exploitant en individuel ou EARL unipersonnelle mais ne fonctionne pas pour les EARL pluripersonnelle) dont la moyenne des recettes sur 3 années consécutives ne dépasse pas 85 800 € HT. Le GAEC, est la seule forme sociétaire qui puisse bénéficier du micro-BA. C’est un régime fiscal intéressant en particulier pour des activités à forte marge !
Les avantages sont conséquents, le calcul du bénéfice imposable agricole se fait sur la base de la moyenne des recettes HT générées sur les 3 dernières années par l’activité agricole diminuée d’un abattement de 87% (sans pouvoir être inférieur à 305 €/an) pour tenir compte des charges d’exploitation (qui ne sont en revanche pas déductibles).
Les recettes générées par l’entreprise agricole doivent être inférieures ou égales à la moyenne de 85 800 € HT sur 3 années consécutives. Par exception, lorsque l’entreprise agricole est un GAEC, le seuil se calcule en multipliant le nombre d’associés (qui ne sont pas en âge de partir en retraite) par jusqu’à 4, soit 334 200 €. Au-delà, elle est égale à 60% de 85 800 € multipliés par le nombre d’associés.
Pourquoi choisir ou non le régime micro-BA ?
L’option pour le régime micro-BA doit donc se faire au regard des charges supportées par la micro entreprise agricole. En effet, si les charges d’exploitation sont inférieures à 87%, l’option pour le micro-BA permet de réaliser une économie d’impôt. A contrario, il convient de s’orienter vers le régime réel.
Cas pratique : si recettes = 100 et charges = 90 (cad que les charges sont sup. à 87%)
– Si régime micro BA : abattement de 87% sur les recettes => on est imposé sur 100-87
– Si hors du régime micro-BA : on est imposé sur 100-90 (encore plus intéressant !)
Comme pour le régime micro-BIC et micro-BNC, les obligations comptables et fiscales sont extrêmement légères. L’exploitant agricole doit seulement tenir une comptabilité de caisse (recettes-dépenses) et réaliser la déclaration n°2042 C pro en plus de la déclaration annuelle des revenus.
Attention, avec le micro-BA, il n’est pas possible en tant que JA de bénéficier de l’abattement de 100% (applicable lorsque bénéfice inférieur à 43 914€) puis 75 % les autres années. A voir ce qui serait le plus intéressant. Peut être plus intéressant d’être sur 87% tout le temps non ?
Rappel, les recettes comprennent :
- Les sommes encaissées augmentées de la valeur des produits prélevés dans l’exploitation et alloués soit au personnel salarié, soit au propriétaire en paiement du fermage ;
- Les subventions d’exploitation, aides, primes, … (sauf les subventions et primes d’équipement).
3. La diversification des revenus est-elle possible fiscalement ?
Zoom sur le mécanisme de globalisation
Une tolérance fiscale est prévue dans le cas de la diversification avec des revenus non agricoles afin d’unifier le traitement des revenus. Cette tolérance ne s’applique pas aux sociétés relevant du micro-BA.
Le mécanisme de globalisation
CGI art. 75 modifié par la Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018
Les produits, relevant des BIC et BNC, provenant d’activités accessoires d’un exploitant agricole au réel, « peuvent être pris en compte pour la détermination du bénéfice agricole lorsque, au titre des trois années civiles précédant la date d’ouverture de l’exercice, la moyenne annuelle des recettes accessoires commerciales et non commerciales de ces trois années n’excède ni 50 % de la moyenne annuelle des recettes tirées de l’activité agricole au titre desdites années, ni 100 000 € »
Cas pratique : Les recettes tirées de l’activité agricole s’élève respectivement, au titre des 3 années civiles précédant la date d’ouverture de l’exercice N à : 100 000€, 88 000€ et 91 000€.
L’exploitant réalise par ailleurs des opérations accessoires commerciales imposables dans la catégorie des BIC et non commerciales imposables dans la catégorie des BNC. Les recettes tirées de ces activités s’élèvent respectivement au titre des 3 années civiles précédant la date d’ouverture de l’exercice N à : 40 000€ (BNC 10 000€ et BIC 30 000€), 17 000€ (BNC 2000€ et BIC 15 000€) et 25 000€ (BNC 0€ et BIC 25 000€).
- Moyenne annuelle revenus tirés de l’activité agricole = 93000€
- Moyenne annuelle revenus tirés de l’activité non agricole = 27 333 €
Conclusion : Les revenus tirés de l’activité non agricole au titre de l’exercice N peuvent bien être inclus dans le bénéfice agricole.
Quelles sont les conséquences d’un franchissement des limites ?
- Lorsque la moyenne annuelle des recettes accessoires franchit l’une des deux limites de 50% ou de 100000€, le régime de globalisation n’est plus applicable ;
- En ce qui concerne l’agriculteur exerçant en individuel, ce dernier doit établir des déclarations distinctes pour chaque catégorie de revenu ;
- Pour les sociétés, la conséquences du franchissement des limites est le passage à l’IS ;
- Les sociétés relevant du micro-BA, même si non bénéficiaires du mécanisme de globalisation, sont également soumises à ce seuil qui les fait basculer à l’IS.
Le mécanisme de globalisation est une tolérance exclusivement fiscale, elle n’est pas valable dans les contextes juridiques et sociaux où le dépassement d’objet agricole peut avoir des conséquences grave (risque de résiliation du bail rural, requalification pour les sociétés agricoles en société de fait ce qui peut entraîner la perte d’agrément et donc perte de la transparence quand on est en GAEC) / responsabilité illimitée et solidaire des associés. Dès lors que l’on est sur des activités qui ne sont pas agricoles au sens juridique, il convient d’étudier précisément les cas de figure !
Crédits photos : Marguerite Legros, Rébecca Trouslard et Marc Batty